En septembre 2019, Rick Owens nous présentait la collection Aztec, dans le cadre prestigieux du Palais de Tokyo à Paris. Pour sa collection printemps-été 2020, le créateur américain s’est inspiré de ses origines nord-américaines, avec pour sources d’inspiration trois thèmes forts et dans le feu de l’actualité de l’époque : sa mère d’origine mexicaine, l’actrice Maria Félix et le débat qui fait rage au sujet du mur à la frontière mexicaine.
Comme la saison dernière, lorsque le créateur avait littéralement mit le feu à l’esplanade du Palais de Tokyo, Rick Owens récidive en nous présentant une nouvelle collection aussi impressionnante que sa mise en scène. Des mannequins à l’allure étrange, signature de la marque, défilent dans des robes démesurées, des vestes aux épaules XXL et des vêtements extra-larges. La géométrie quasi-parfaite des vêtements subjugue. L’ensemble de la collection est presque architectural. Le show est puissant, envoûtant, presque effrayant, mais, une fois encore, réussi.
Ici, ni podium ni tapis rouge. Seul le cadre brut des marches du Palais de Tokyo habille le défilé du maître. Un bassin est aménagé spécialement pour l’occasion, alimenté par une série d’énormes tuyaux qui y déversent une eau à l’éclat particulier. Pour ouvrir le show, de la fumée s’échappe des fameux tuyaux avant qu’un cortège en robe noire ne marche au bord de la piscine, brandissant de longs mâts. Les modèles plongent leurs piques dans l’eau, se soulevant et se séparant en rythme, afin de produire une joyeuse cacophonie visuelle de bulles. Éphémères et implacables, flottantes et glissantes, elles fournissent un fond éthéré mais doux au décor général.
Les modèles arborent des coiffes pharaoniques, science-fictionnelles et rétro-futuristes, évoluant au beau milieu des tours environnantes, évocation en noir & blanc des plus poétiques du « Metropolis » de Fritz Lang, vite démentie par les tableaux suivants, beaucoup plus colorés. Owens convoque ses origines mexicaines, par sa mère, et fait bien évidemment référence aux problèmes frontaliers actuels dans son pays natal, aux États-Unis, qui rendront désormais plus difficile une éventuelle visite à sa famille qui vit encore plus au Sud, de l’autre côté du mur. Face au discours officiel prônant la construction d’enceintes, le renforcement des frontières et le repli des Etats-Unis sur eux-mêmes, Rick Owens, Américain vivant et travaillant en Europe, lui oppose avec son show cette réponse naturelle, afin d’y honorer ses racines.
Car les créations d’Owens, ornées de paillettes, d’or, de motifs multicolores, de cuir verni, de pastels et de fleurs sculpturales, à la fois explosives et festives, constituent toujours un retour aux sources, avec des lignes pures et extrêmes. Cette collection nous fait ainsi naviguer entre peur sacrificielle et fascination païenne, entre passé et futur, entre les pyramides de l’Egypte ancienne, les temples aztèques et certains personnages directement tirés d’un épisode de Star Wars… Rick Owens y célèbre la femme universelle, de la Reine de Saba à Cléopâtre.