« L’amandier en fleurs » est le dernier tableau peint par Pierre Bonnard en 1946, un an avant sa mort. Nous évoquerons ici le chef-d’œuvre absolu, une puissance inouïe dans un tout petit format, 55 cm, alors que Bonnard a plutôt composé d’immenses toiles.
« Tu ne sais pas, leur disait-il, ce qu’est un arbre. J’en ai vu un qui avait poussé par hasard dans une maison abandonnée, un abri sans fenêtres, et qui était parti à la recherche de la lumière. Comme l’homme doit baigner dans l’air, comme la carpe doit baigner dans l’eau, l’arbre doit baigner dans la clarté. Car planté dans la terre par ses racines, planté dans les astres par ses branchages, il est le chemin de l’échange entre les étoiles et nous. Cet arbre, né aveugle, avait donc déroulé dans la nuit sa puissante musculature et tâtonné d’un mur à l’autre et titubé et le drame s’était imprimé dans ses torsades.
Et je le voyais chaque jour dans l’aube se réveiller de son faîte à sa base. Car il était chargé d’oiseaux. Et dès l’aube commençait de vivre et de chanter, puis, le soleil une fois surgi, il lâchait ses provisions dans le ciel comme un vieux berger débonnaire, mon arbre maison, mon arbre château qui restait vide jusqu’au soir… »
Antoine de Saint Exupéry, Citadelle, 1948
Porté par l’obsession des paysages et des scènes d’intérieur, Pierre Bonnard aura pratiqué l’art sous des formes multiples, défendant une esthétique essentiellement décorative, nourrie d’observations incisives et pleines d’humour tirées de son environnement immédiat. Sa femme Marthe sera d’ailleurs un de ses modèles récurrents.
Mais ce qui fait le charme de Pierre Bonnard, un des grands maîtres de la peinture du XXème siècle et l’un des principaux acteurs de l’art moderne, c’est la présence, derrière la palette vive et lumineuse, d’une angoisse et de mystères donnant aux scènes de vie irradiantes de couleurs, une autre dimension.
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