Jusqu’en février 2017, le Musée Picasso présente la toute première exposition consacrée à l’œuvre de deux des plus grands artistes du XXème siècle : Pablo Picasso et Alberto Giacometti.
Ils avaient vingt ans d’écart mais leurs oeuvres se sont toujours répondues. Picasso et Giacometti sont pour la première fois réunis dans une seule et même exposition. Deux-cents oeuvres, peintures, dessins, sculptures, des deux maitres du XXème Siècle sont présentées à l’Hôtel Salé.
Les deux artistes qui se rencontrent au début des années 30 avaient des tempéraments bien différents, mais ils ont été influencés l’un et l’autre par le surréalisme et partagent le même questionnement sur la relation au réel.
Un dialogue et des correspondances artistiques que décrit Catherine Grenier : « Ce sont deux monstres de l’art moderne. Les peintre et sculpteur les plus chers. D’un côté l’Espagnol, de l’autre le Suisse de vingt ans son cadet, Picasso et Giacometti. Deux artistes étrangers qui émigrent à Paris au début du XXème siècle, deux fils d’artiste qui partagent une très grande précocité avant d’inventer un langage révolutionnaire ».
« Ils ont la même facilité, la même virtuosité à représenter le réel, et l’un comme l’autre vont aller vers la modernité » (Catherine Grenier, commissaire de l’exposition).
Dans les années 1910 et 1920, Picasso et Giacometti trouvent l’inspiration et créent de nouvelles formes, de nouveaux motifs, en puisant dans le passé ou les arts extra-occidentaux.
« Picasso était fasciné par la découverte des milieux de l’avant-garde, de l’art africain, de l’art océanien. Il était aussi fasciné par tout ce que l’on appelait le primitif, et Giacometti, de la même façon, se passionne pour les arts exotiques, pour l’art égyptien, l’art mésopotamien ou l’art des Cyclades. En effet, les objets archéologiques ou ceux provenant d’autres civilisations, d’autres cultures, vont venir nourrir leur vocabulaire artistique » (Catherine Grenier, commissaire de l’exposition).
Giacometti connait l’oeuvre de Picasso depuis qu’il est arrivé à Paris. Bien entendu, il est émerveillé. Quant à Picasso, à cette époque, il est déjà le grand artiste de la modernité. Lorsque Giacometti organise sa toute première exposition personnelle, en 1932, il est d’ailleurs extrêmement fier de pouvoir annoncer à ses parents que Picasso a été le premier visiteur de l’exposition.
Après leur rencontre, leur relation s’intensifie tout au long des années 30. Ils se voient presque quotidiennement pendant la guerre, en 1940 et 1941. Leur amitié est d’abord fondée sur un dialogue artistique. Ils parlent d’art, se soumettent leurs oeuvres l’un à l’autre. Eux qui partagent des thématiques communes, qui représentent souvent leur femme dans leurs oeuvres, vont se nourrir mutuellement, de manière consciente ou inconsciente. Leurs créations dialoguent entre elles, et des motifs de l’un peuvent apparaitre dans les oeuvres de l’autre.
Tous les deux prennent pour thématique principale le corps humain, en particulier le corps de la femme, mais aussi le couple, la sexualité, ainsi que la relation entre l’homme et la femme. Ils se rencontrent au moment du surréalisme, une période durant laquelle les artistes convoquent leurs rêves, leurs fantasmes. Picasso et Giacometti s’expriment d’ailleurs assez librement pour l’époque sur toutes les questions qui ont trait à l’érotisme et à l’amour. Pour eux, le thème de l’érotisme est très étroitement lié au thème de la violence ou à celui de la mort.
« La Femme Egorgée » de Giacometti est une sculpture qui représente d’abord un crime sexuel, mais cette femme qui est saisie par l’artiste dans une sorte de spasme amoureux ressemble aussi à une plante carnivore, ou à l’incarnation de la mante-religieuse. Cette oeuvre caractérise l’ambiguïté de la relation de Giacometti aux femmes, et à la façon dont il décrit la femme à la fois comme une victime et une prédatrice. On retrouve cette même ambiguïté dans l’oeuvre de Picasso, avec par exemple un couple qui s’embrasse sur la plage, dans un acte de baiser qui est presque une lutte physique, voire même un acte de dévoration…
Les deux artistes partagent donc des motifs, des préoccupations, mais leurs approches artistiques respectives restent cependant fondamentalement différentes. Pablo Picasso est l’artiste de la composition et de l’assemblage, quand Giacometti est l’artiste de la soustraction et de la simplification. Quant à leurs oeuvres, elles montrent des tempéraments foncièrement distincts : Picasso, solaire et dominateur, agacera forcément un Giacometti discret et toujours dans la retenue. Mais ce qui finira par les séparer définitivement, c’est bien l’éloignement physique. Picasso partira s’installer dans le Sud de la France après-guerre, tandis que Giacometti restera à Paris.
A découvrir d’urgence au Musée Picasso cette exposition qui met en résonance les deux monstres de l’art moderne, dans une confrontation inédite.