« Pressing, c’est le pseudo que j’ai pris à vingt ans pour faire batteur de Starshooter. Et je croyais vivre les années les plus rock de ma vie… Je rigole… J’ai jamais été aussi entouré, chouchouté, assisté, invité. C’est après que ma vie est devenue vraiment Punk. »
Bon, je dois admettre que les mémoires d’un punk, je n’adhère pas forcément au concept. De surcroît, pour ceux qui suivent Philippe d’Anière sur Facebook, puisque c’est bien de lui qu’il s’agit, ils pourraient aisément en tirer des conclusions hâtives, tant les sorties du bonhomme semblent souvent reposer sur de la provocation gratuite, sans réel fondement objectif. Il n’en reste pas moins qu’au fil de ses « Chroniques Californiennes », acides et sarcastiques, on est en droit de se poser tout de même quelques questions…
Le mec était le batteur de Starshooter, certes. Il l’évoque souvent mais sans jamais vraiment s’appesantir sur le sujet, et il ne semble pas y avoir une quelconque nostalgie dans ses références à cette époque, comme si, finalement, ça n’était plus pour lui qu’un passé lointain. Tandis que Kent, le chanteur du groupe, ou les autres gloires éphémères de ces temps révolus, ont continué, de près ou de loin, tant bien que mal, à évoluer dans le domaine de la musique ou de l’écriture, Phil Pressing a repris son nom de baptême et a tracé la route… Disparu des écrans radars… Hasta la vista, baby.
Alors, lorsque j’apprends que le gaillard se décide finalement à nous en dire un peu plus et à lever le voile sur sa vie après la musique, malgré mes réticences, je dois admettre que je suis curieux d’en savoir plus. Je me procure donc un exemplaire de ce bien énigmatique « Pressing », dès sa sortie. Tiens, publié chez Amazon. Petite surprise qui n’en est pas une, finalement. Avec le recul, je ne suis pas convaincu qu’une maison d’édition française classique aurait accepté de se lancer dans une entreprise qui pouvait se révéler quelque peu hasardeuse, au vu des positions assez tranchées affichées par Philippe d’Anière dans ses chroniques facebookiennes…
La couverture de « Pressing » participe à ma curiosité grandissante. Voir son auteur ainsi, avant même de commencer à nous raconter son histoire, affublé d’épaisses lunettes noires, le visage à moitié coupé, le bras droit couvert de tatouages lorsqu’on soupçonne le gauche d’en être dépourvu, comme si, par pudeur ou par timidité, il rechignait dans un premier temps à nous permettre de dépasser la première impression que nous pourrions avoir de lui. Et des palmiers, toujours des palmiers…
Il faut dire que l’homme a changé. Le Phil Pressing des débuts de Starshooter, à l’allure fine et svelte, est devenu plus massif. Et même si on peut partir du postulat que nous sommes tous égaux face au temps qui passe, la couverture de « Pressing » atteste que la seconde vie de Philippe d’Anière ne fut pas forcément toujours un long fleuve tranquille…
« C’est ma vie, c’est sex, violent, business, drôle, plein d’amour, pas du tout politically correct et ça fait 382 pages. »
A la lecture de « Pressing », le moins que l’on puisse dire, c’est que Philippe d’Anière va plutôt « straight to the point », tant le livre semble être constitué de notes écrites à la volée sur des bouts de papier, comme autant de souvenirs d’une vie capturés avant qu’ils ne s’effacent. Le trait est direct, sans fioriture, dans une sorte d’urgence qui nous fait vite oublier une ponctuation approximative, les quelques coquilles et les petites lourdeurs de style. Mais, après tout, quelle importance ? Car le récit nous happe rapidement et on se surprend à dévorer l’ouvrage, en faisant au fil des 382 pages le grand écart entre Lyon et L.A., entre plans panoramiques et serrés, comme entre les séquences d’un road movie épique…
« Un bateau est plus en sécurité quand il est au port mais ce n’est pas pour cela qu’ont été construits les bateaux. » (Paulo Coelho)
De la contrainte de départ, Philippe d’Anière est parvenu à en faire son idéal. Forcé de quitter la France à l’âge de 29 ans, l’ex-batteur de Starshooter s’envole pour la Californie, avec 300 $ en poche. Il laisse derrière lui sa famille, sa compagne et tout ce qu’il possède. « Je suis arrivé à Los Angeles avec $300 en poche, accompagné de mon pote Franck Dubary. Nous partagions une chambre de West Hollywood, j’ouvre la télé au milieu de la nuit et… Freedom !… Je tombe sur HBO, movies all night ! Quand en France on en était encore à l’ORTF, dodo et grésillage à partir de minuit, après Pimprenelle et Nicolas ! Le déclic fut révélateur. Tout semblait possible. »
Flashback arrière… Retour à Lyon en 1975. « Avec Kent et Jello, nous sommes au bahut ensemble, au lycée Saint-Exupéry. Mickey est arrivé un peu après. Les gens de Marie et les Garçons, ainsi que ceux d’Electric Callas, le fréquentent également. On commence à répéter chez moi, dans une cabane au fond du jardin. Je choisis la batterie parce qu’il n’y a pas besoin de savoir jouer. Je ne sais toujours pas jouer, d’ailleurs… Ça n’est que très récemment que j’ai commencé à prendre des cours ».
Après quatre albums studio et une douzaine de singles sortis entre 1977 et 1982, des concerts mémorables, des fauteuils cassés et des lendemains qui ne demandaient qu’à chanter, l’aventure Starshooter s’arrête comme elle avait commencé… « Il faut bien comprendre que quand on est arrivé, il n’y avait personne. Ça n’existait pas en 1977, un groupe de rock chantant en français. Mais on réalisait aussi qu’on ne se voyait pas vieillir dans ce business. Les Stones nous paraissaient déjà extrêmement vieux, à nous qui n’avions que 20 ans. Alors, on a convenu qu’on arrêterait à 25 ans ».
Chacun trace la route. Phil Pressing redevient Philippe d’Anière, ouvre une bijouterie à Lyon et rencontre en 1984 celle qui allait déterminer la suite de son existence : Kiki, une prostituée lyonnaise dont il tombe éperdument amoureux. Bon, seul petit hic, et non des moindres, Kiki n’est autre que la femme de Gaëtan Zampa, le célébrissime et redouté parrain du milieu marseillais, qui vient tout juste de mourir en prison…
« C’était une nuit de pleine lune, j’ouvrais la fenêtre et criais « Freeeeeeedom » ! J’étais à Los Angeles pour n’en plus repartir. »
C’est précisément à cet instant que commence la seconde vie de Philippe d’Anière, embarqué dans une nouvelle aventure qui le mènera des rues trop étroites pour lui du Lyon de son enfance aux larges avenues rectilignes de Los Angeles, où il s’acharnera à accomplir son rêve américain. Mais la suite est à découvrir dans « Pressing »…
Il n’en reste pas moins qu’au fil du récit, nous obtenons les réponses aux nombreuses questions que nous nous posions avant sa lecture. Et nous comprenons mieux le sens profond des « Chroniques Californiennes »… Car passée la première impression de sorties uniquement muées par la provocation facile et le détachement, nous découvrons, derrière cette façade de dur que Philippe d’Anière a été forcé de se construire, avant tout pour se protéger et surmonter les ups & downs de sa vie américaine, un homme plus sensible qu’il n’y paraît, attaché à ses racines et fidèle en amitié. Il suffit juste qu’il enlève ses lunettes noires pour s’en rendre compte. Et lorsqu’il évoque alors la France, ça n’est pas de l’amertume qu’on peut lire dans ses yeux, mais de la déception…
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