Julia Gragnon, directrice de la Galerie de L’Instant, consacre une nouvelle exposition à l‘icône américaine absolue, Marilyn Monroe, avec des clichés inédits de Sam Shaw, Lawrence Schiller ou encore Bert Stern.
Julia Gragnon, fille du grand photographe de « Paris Match » François Gragnon, croyait décidément avoir fait le tour de Marilyn Monroe en lui ayant consacré trois expositions depuis l’ouverture de sa Galerie de l’Instant dans le Marais (Paris), il y a treize ans. Mais c’était sans compter sur des rencontres opportunes, la chance et surtout l’envie de faire partager encore et encore sa passion pour la belle blonde. « Depuis que je suis petite, j’ai toujours aimé Marilyn. C’est quelqu’un que je trouve très émouvant et qui me touche beaucoup », confie-t-elle. Et comme elle est seule maître à bord à la galerie, elle a décidé de se faire plaisir en présentant au public de nouvelles images de Norma Jeane Baker.
On pensait donc avoir tout vu ou tout entendu sur Marilyn Monroe… La tragédie de sa vie, sa beauté insolente, son jeu, ses hommes…Alors pouvait-il exister encore des images inédites de la star qui auraient échappé au filtre implacable des médias modernes ? Apparemment oui… Car Marilyn fait bel et bien partie de ces rares personnages publics qui fournissent encore de la matière à notre insatiable appétit, même plusieurs décennies après leur disparition. Et face à la profusion des photos de Marilyn, en découvrir des inédites, c’est un peu comme retrouver un Picasso dans un grenier ou découvrir un Chagall au fond d’un tiroir…
« Il faut bien comprendre que Marilyn Monroe a été photographiée toute sa vie. Elle a joué de son image plus que n’importe quelle autre star. J’ai eu la chance d’être invitée par la famille du photographe Sam Shaw à consulter ses archives. Et j’y découvris des images peut-être moins habituelles sur Marilyn. La photo où elle mange un hot-dog, par exemple. A l’époque, personne n’aurait publié ça. On découvre ici une autre facette de Marilyn, moins glamour et sexy, plus mélancolique mais probablement plus proche du personnage réel. »
Julia Gragnon est une chasseuse d’images, capable de parcourir le monde à la découverte de clichés méconnus. Mais la passion ne suffit pas, et il faut aussi pouvoir compter sur des contacts pris lors de ses nombreux voyages, parmi lesquels parfois les enfants ou des membres de la famille des photographes qui ont eu la chance d’immortaliser la star, et qui viennent vers Julia pour lui proposer des photos retrouvées dans les archives de leurs parents. C’est ainsi qu’elle a réussi à réunir tous ces clichés exceptionnels et surtout complètement inédits. Notamment ces photos que Marilyn avait elle-même écartées de sa sélection en les barrant au marqueur rouge, tant l’iconique actrice pouvait être perfectionniste.
« Les croix au marqueur sur les planches-contact ou les diapos, ce sont toutes les photos qu’elle n’a pas choisies et qu’elle ne souhaitait pas voir publier. Le photographe n’a finalement pas respecté sa volonté… D’un côté, c’est amoral parce que c’est malhonnête, mais nous serions passés à côté de photos extraordinaires. Quand on regarde cette photo, la mélancolie qu’elle a dans le regard… Cette autre photo surnommée « le crucifix » est tellement prémonitoire de ce qui va arriver deux mois plus tard. Avec cette croix qui barre la photo, on a l’impression que Marilyn est crucifiée, et quelque part, ça nous renvoie à son histoire personnelle, comme si Marilyn avait été crucifiée sur l’autel de la gloire et du star system… »
Marilyn avait une façon de poser face à l’objectif qui était très particulière, toujours avec une précision incroyable. Les yeux mi-clos, la tête vers le haut… Alors ces clichés écartés par Marilyn fournissent la matière à cette exposition exceptionnelle.
« Avec Marilyn, tout était dans le contrôle. Elle avait tellement travaillé cette image parfaite qu’elle renvoyait sans cesse. L’ouverture de la bouche, cette façon de fermer les yeux, cette espèce de glamour posé, elle avait assimilé toutes les techniques. Quand on voit cette dernière séance avec Bert Stern, la plupart des photos sont sur ce mode extrêmement travaillé. Cette séance était une commande du magazine Vogue en 1962, deux mois avant sa mort. Il y a plusieurs jours de shooting, entre mode pure, nu et glamour. »
Cette exposition nous fait donc découvrir de nouveaux trésors, tandis que Marilyn nous emporte avec elle, sa grâce, son sourire, sa mélancolie… comme un puits sans fond ! On connaît, bien sûr, les images de Sam Shaw, surtout celles si célèbres du tournage de « 7 ans de réflexion », avec sa robe volant sur la bouche de métro, qui avait fait scandale à l’époque. Mais surtout, l’exposition nous fait découvrir ici des images méconnues, datant notamment de sa première année de mariage avec le dramaturge Arthur Miller, au printemps 1957…
« On présente aussi beaucoup de photos de tournage, notamment à la période du « Milliardaire », ou encore des clichés plus personnels, avec Yves Montand ou lors d’un diner en compagnie de Simone Signoret, Montand et Arthur Miller. On plonge ici au coeur de ce huit-clos entre ces quatre personnages. Tout le monde sait ce qui se passe entre Marilyn et Montand, et tout le monde joue à faire semblant, comme si de rien n’était. Une série assez étonnante… »
On y découvre une Marilyn joyeuse, resplendissante, sans doute à un des meilleurs moments de sa vie, dansant dans son jardin comme une enfant, se promenant dans New York, s’arrêtant pour prendre un hot dog, se reposant sur une fontaine… On est loin des poses figées de la star inaccessible, et s’y révèle une femme épanouie, facétieuse et amoureuse. Des photographies plus naturelles, plus en phase avec leur époque…
« C’est quelqu’un qui n’a pas eu une vie facile. On parle actuellement beaucoup de l’affaire Weinstein. Je pense que des affaires Weinstein, Marilyn en avait sans doute beaucoup dans ses dossiers. C’était une autre époque, très violente pour les femmes. Pour réussir, il fallait vraiment être forte et prête à tout… »
Marilyn Monroe, sa dernière séance