Le Wax se raconte à travers ses dessins imprimés sur coton. Et le nom attribué à chaque dessin renvoie à des expressions populaires, à un animal ou encore à un objet du quotidien. C’est la belle histoire que nous narre Anne Grosfilley dans son superbe ouvrage « Wax. 500 tissus ».
A tous ceux qui sont originaires ou qui ont grandi en Afrique de l’Ouest, le terme « Wax » évoquera forcément des souvenirs encore vivaces, chargés de couleurs chaudes et d’histoire… Avec son livre « Wax. 500 Tissus » à paraître aux Editions de La Martinière le 23 mai 2019, Anne Grosfilley nous invite donc à partir à la découverte de cette étoffe emblématique du continent africain, par l’intermédiaire de 500 clichés originaux réunis dans cet ouvrage.
Car le Wax est bien plus qu’un simple tissu aux dessins étonnants et aux couleurs audacieuses. Ces étoffes ont une histoire, une signification, depuis que les « Mama Benz » (riches commerçantes togolaises) leur ont donné des noms pour mieux les commercialiser. Ce nom, adapté au contexte économique et social local, peut changer suivant que l’on soit en Côte d’Ivoire, au Ghana ou au Bénin.
Au cœur de polémiques sur l’appropriation culturelle, le Wax est une étoffe hybride dont l’identité est multiple. De l’Indonésie au Ghana en passant par les Pays-Bas, découvrez les différentes vies de ce tissu chatoyant, porté dans la quasi totalité de l’Afrique subsaharienne et depuis peu sur les podiums des défilés parisiens.
Paris 2017. Stella McCartney crée la polémique en utilisant des tissus Wax pour son défilé lors de la Fashion Week parisienne. Elle est accusée d’appropriation culturelle mais pour l’historienne de l’art Anne-Marie Bouttiaux :
« Ce qui rend ce tissu absolument fascinant est son hybridité, le fait qu’il défie toute possibilité de se voir assigner une identité fixe, pure. Bien plus que le concept d’identité, celui d’identification est à mon sens plus utile pour évoquer ce qui permet à un individu de se positionner, de se définir. Avec le wax, on se trouve face au même entrelacs d’identification multiple selon l’endroit où il est porté et selon le contexte qui le met en scène. »
Originaire d’Indonésie
Le Wax doit son inspiration au Batik indonésien, inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco depuis 2009. Selon un procédé ancestral, les Javanais utilisent de la cire pour dessiner des motifs avant de teindre le tissu. La cire est ensuite enlevée à l’eau chaude, laissant apparaître le motif, d’où le nom de Wax (cire en Anglais).
Fabriqué en Europe
Au milieu du XIXème siècle, les Anglais, mais surtout les Hollandais, ont commencé à copier les tissus Batik produits à Java. Ils les ont manufacturés pour produire plus vite et moins cher et les vendre sur le marché indonésien. Mais les ventes ne suivent pas. Dans les années 1890, les Hollandais de la firme Vlisco s’inspirent alors de motifs africains pour vendre leur tissu en Afrique, via l’actuel Ghana, avec un succès immédiat.
Diffusé en Afrique
Au début du XXème, le Wax est un produit de luxe, mais dans les années 1950, il est popularisé par les « Mamas Benz ». Ces revendeuses togolaises vont diffuser ces étoffes largement en Afrique de l’Ouest. Comme ce tissu n’est pas lié à une population africaine particulière, tout le monde se l’approprie. Il devient ainsi un tissu panafricain.
Comme c’était déjà le cas en Indonésie, le Wax est aussi un outil de communication. Les motifs et les teintes ont des significations particulières selon les pays et les circonstances. « Là où un dessin commence à devenir très fort, c’est quand il est toujours utilisé pour la même période ou la même cérémonie. Il y a des dessins au Ghana qui sont utilisés spécifiquement pour les enterrements », explique un responsable de l’entreprise Vlisco au Ghana.
Dans les années 1960, à l’aube des indépendances, plusieurs pays africains se mettent à produire eux-mêmes du Wax. C’est le cas au Ghana, au Sénégal, au Nigéria et en Côte d’Ivoire. Beaucoup d’usines ont depuis été rachetées.
Produit en Chine
Dans les années 1990-2000, les « Mamas Benz » et les productions locales sont concurrencées par l’arrivée de Wax « Made in China ». La Chine se met à produire du Wax bon marché. Aujourd’hui la production chinoise représente 90 % du marché du Wax.
Consultante pour des entreprises et des créateurs, Anne Grofilley est lauréate du prix Millenium Award en Angleterre, pour avoir fait découvrir l’Afrique à travers son patrimoine textile. En racontant l’histoire de chaque dessin, cette docteur en anthropologie spécialisée dans le textile et la mode en Afrique explique comment des classiques des années 1920 à 1950 ont pu traverser frontières et décennies afin de séduire aujourd’hui une clientèle parisienne, londonienne, milanaise ou new-yorkaise mais, aussi les créateurs.
Ainsi, fin avril 2019, Maria Grazia Chiuri faisait appel à elle pour sa collection « Dior Croisière 2020 ». La directrice artistique de Dior a collaboré avec l’entreprise Uniwax, en Côte d’Ivoire, dont le studio a réinterprété deux motifs chers à la maison, donnant lieu à une édition spéciale autour d’un wax 100 % africain (les cotons étant cultivés, filés et imprimés en Afrique).
Entre histoires coloniales et appropriations culturelles, découvrez l’histoire du wax, un tissu plus universel qu’on ne le pense…