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Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui le cas épineux du Brunch.

 

« – Donc on s’voit dimanche ? 13 h ?

   – Oui génial, on vient avec Garance, Gaspard et leurs enfants Clothaire et Cléophée.

   – Gé-nial, toute la tribu ! »

 

Voici un bout de dialogue saisi au vol, comme ça, au hasard, dans le 9ème, 10ème ou 11ème arrondissement. Mais de quoi parlaient donc ces gens, au juste ?

De ce sacré, de cet absolu et incontournable brunch, évidemment ! Bien plus qu’un rendez-vous, une messe, voire une échappatoire, le brunch est devenu pour beaucoup de citadins une bouée salutaire, lancée le septième jour de la semaine dans un océan de néant, face au vide et à l’ennui du week-end, contrastant avec l’activité intense du reste de leur vie.

Cette invention anglo-saxonne, contraction de « breakfast » et de « lunch » (petit déjeuner et déjeuner), atterrit en France, notamment à Paris, à la fin des années 80, puis explose littéralement courant 2000. Bon, attention, rien à voir non plus avec Crunch, le chocolat qui croustille…

D’abord organisé clandestinement à la maison par des expatriés américains en mal du pays, le brunch devient rapidement le rite dominical que tous ceux qui, sans cesse à la recherche de nouveauté, se doivent de pratiquer pour être dans le coup. Et naturellement, ce sont ensuite les restaurants, hôtels ou bars qui récupérèrent l’idée, flairant la bonne affaire et décelant les perspectives hautement lucratives de ce nouveau concept.

En effet, pour une somme modique entre 20 et 50 euros par personne, selon le quartier et le prestige de l’établissement, il sera proposé à tout citadin qui se respecte une formule « all inclusive » à base de « Vas-y comme j’te pousse », en clair de tout ce qui tombe sous la main et que l’on n’aurait pas vendu dans la semaine. Aubaine… Le brunch, c’est donc une sorte de petit déjeuner amélioré, mais bien plus cher car labélisé « brunch », en fait…

Sur une base d’œufs brouillés, un jus d’orange parfois pressé, ou pas… du café ou du thé, une corbeille de tartines de pain avec beurre, confiture, suivis d’une salade de fruit ou d’un fromage blanc pour tapisser le tout. Clic clac, l’affaire est dans le sac, on a là les éléments de base du fameux brunch.

Au-delà de l’escroquerie souriante et du consentement tacite des clients, ce rendez-vous est un alibi pratique pour oublier ce non-jour qu’est le dimanche. 24 heures de vide cosmique… Ce funeste jour où Dieu et ses plus proches collaborateurs se sont dit : « c’est bon là, stop, on souffle un peu… plus d’idée ».

Alors, plutôt que de rester chez soi à contempler son reflet dans le miroir de la salle de bain et se faire un débriefing introspectif pour savoir où on en est dans sa vie, avec les autres, en particulier, on préfère aller s’étouffer avec du pain sans gluten, du miel bio et du café cueilli par Pedro dans des endroits saturés de monde, de poussettes géantes avec des étudiants-serveurs proches du black-out, qui ne travaillent que le dimanche parce que les autres employés officiels refusent de cocher ce jour sur leur planning.

Car, oui, le brunch est un non-sens, une hérésie aussi utile qu’un presse-ananas ou un médicament pour la connerie. Le brunch et toutes ses extensions, d’ailleurs… En effet, on a même vu à un moment une tentative de « Drunch », si si… Soit cette plage horaire encore disponible entre le « Dinner » et le « Lunch », donc plutôt vers 17h-18h. J’espère que vous me suivez…

Et puis depuis cinq ou six ans, des esprits tant malades que diaboliques ont quant à eux relancé la mode du « Goûter ». C’est ainsi qu’on peut désormais lire ici et là, juste à côté de la pancarte « Brunch » et « Drunch », le panneau « Ici, Goûter à toutes heures » avec l’avantage de ne pas en restreindre la consommation uniquement aux seuls dimanches.

 

« – Donc on s’voit mardi ?

   – Oui génial, on vient avec Melissa, son deuxième mari Eugenio et les enfants qu’elle a eus avec Horts, Dakota, Sombrero et Guacamole.

   – Gé-nial, toute la smala ! »

 

Autour d’un chocolat chaud ou d’un thé vert tibétain au beurre de chamelle, on pourra vous proposer une banane ou une pomme avec des Choco BN, le tout servi sur une bonne vieille feuille de papier d’aluminium. Reste à savoir maintenant si bientôt, on ne va pas nous proposer, dans le cadre de la refonte perpétuelle de nos us et coutumes, des « DGoûners » ou encore des « Glunchs ».

Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…

 

 

 

    Photographe, auteur, poète et machine à remonter le temps, avec une cape de mousquetaire toujours portée un peu de biais.

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