Difficile de se rendre compte aujourd’hui du choc provoqué par « Are You Experienced » à sa sortie en 1967, alors que le monde découvre, ébloui, un jeune guitariste américain hallucinant, incandescent, qui manie sa guitare électrique comme un flambeau, un encensoir, une femme dont il serait fou amoureux, voire une arme létale… Et de surcroît, Jimi Hendrix chante comme s’il était l’incarnation même du blues.
Trente-deux ans après que Robert Johnson ne soit passé de vie à trépas en écrivant sa légende, le 18 septembre 1970, à 27 ans, Jimi Hendrix, fauché en pleine gloire après une carrière aussi courte que fulgurante, rejoignait le maître au panthéon des icônes du blues. Ses prestations subversives à Monterey en juin 1967 ou Woodstock en 1969, sa façon révolutionnaire de placer la guitare au centre de tout, son enfance douloureuse, ses déboires avec de multiples groupes et les critiques acerbes de leurs performances, tout a participé à élever le prodige au rang de mythe. Si son destin tragique a renforcé l’influence de cette comète du rock ’n’ roll, Jimi Hendrix a fondamentalement changé les codes du genre, influençant durablement les groupes qui lui ont succédé en marquant à jamais les esprits.
« La nuit où je suis né, Seigneur, je le jure, la lune était rouge feu. » (Voodoo Child)
Il aura suffi d’une guitare acoustique à cinq dollars, achetée par son père dans les années 1950, pour que s’écrive l’une des plus grandes légendes musicales du siècle dernier. Alors que le rock’n’roll fait ses débuts, Jimi Hendrix s’entraîne à répéter les morceaux des grands maîtres qui formeront son style inimitable, mélange de blues, de rock et de psychédélisme.
Après quelques années passées aux côtés de Little Richard ou de Wilson Pickett, au cours desquelles il fait l’apprentissage de la scène, il est repéré en 1966 par la petite amie de Keith Richards, à Greenwich Village. Elle lui présente Chas Chandler, musicien du groupe The Animals, qui cherche à se lancer dans la production. C’est sous sa houlette, au sein du Londres insomniaque des Swinging Sixties, que Jimi Hendrix forme son groupe, The Jimi Hendrix Experience, et s’envole vers le succès.
« Un dieu de la guitare, Puissant, sexuel, génial. »
Les amis de Jimi Hendrix, interrogés dans le documentaire « Jimi Hendrix : l’indétrônable » diffusé depuis le 11 septembre 2020 sur Arte, ne tarissent pas d’éloges sur l’icône du blues rock psychédélique. Fauché à 27 ans, le 18 septembre 1970, au sommet de sa gloire, le musicien a marqué de son génie plusieurs générations d’artistes qui voient en lui le plus grand guitariste de l’histoire du rock. Que dire, par exemple, de sa réinterprétation hallucinée de l’hymne américain à Woodstock ? Avec ses nombreux témoignages (dont celui de Paul McCartney) et ses archives inédites de concerts mythiques de Hendrix, ce documentaire magistral brosse un portrait électrisant du musicien.
Symbole d’une génération traversant de profonds changements sociaux, « Are You Experienced », premier album du trio The Jimi Hendrix Experience, fait sa propre révolution dans le rock. Tel un best of, les classiques s’enchaînent et révèlent également Mitch Mitchell et Noel Redding, une section rythmique à la sensibilité jazz rock qui sert la virtuosité du guitar hero. La puissance de « Purple Haze » ou « Manic Depression », le lyrisme de « Hey Joe » et « The Wind Cries Mary », l’ardeur de « Fire » ou encore « Foxy Lady » : la guitare rock ne sera plus jamais la même après.
« Hendrix joue le Blues du Delta, mais ce Delta-là, se trouve sur Mars… » (Rolling Stone Magazine)
Lancé à peine cinq mois après la bombe « Are You Experienced », l’audacieux second album du trio, « Axis: Bold as Love », témoigne de l’évolution fulgurante de l’exceptionnel guitariste. Il confirme le talent d’auteur-compositeur-interprète du génie du rock, plus axé sur des chansons que sur la virtuosité, avec des ballades blues rock cultes comme « Little Wing », « Bold As Love », « If 6 Was 9 » ou « Castles Made of Sand ». Flirtant avec le funk sur « Up from the Skies » ou « Wait Until Tomorrow », le trio rappelle que son alchimie repose aussi sur le basse-batterie exceptionnel de Noel Redding et Mitch Mitchell.
Sur son troisième et dernier album studio, « Electric Ladyland », Jimi Hendrix approfondit les possibilités et techniques novatrices des studios d’enregistrement. Rencontrant psychédélisme, rock et blues, ces explorations incarnent la quintessence du trio. Tout est surprenant et fondamental avec « Electric Ladyland », y compris ses invités, dont Steve Winwood de Traffic à l’orgue et Jack Casady de Jefferson Airplane à la basse. Alors que les prémices du hard rock apparaissent sur « Crosstown Traffic », « Voodoo Chile » et « Voodoo Child (Slight Return) » établissent un pont entre blues et heavy rock. La reprise de Bob Dylan « All Along the Watchtower » deviendra un hymne à l’image du guitariste, immortel…