Découvrir ou redécouvrir aujourd’hui ce petit film charmant sorti en 2005, à l’heure où un cinéma français corseté, à de rares exceptions près, ne propose plus dans ce registre de la comédie amoureuse décalée que des stéréotypes voulant coller coûte que coûte à une actualité avec pertinence et acuité, « Gentille » est un baume pour la peau à la pêche, une lotion précieuse, une huile essentielle.
Sophie Fillières, sœur de l’actrice Hélène Fillières, a un univers particulier et totalement libre. Une façon bien à elle d’appréhender les situations de tous les jours et les rapports humains. Que ce soit « Aïe », « Un Chat, Un Chat » ou encore « Arrête ou Je Continue », l’ex-épouse du scénariste et réalisateur Pascal Bonitzer propose toujours des histoires axées sur le couple hétérosexuel contemporain, urbain, cultivé, bourgeois, complètement perdu et au bord de la rupture. Attendez, ne partez pas ! Il ne s’agit pas là d’une mauvaise blague mais bel et bien de films qui tendent à dirent justement que c’est nous qui sommes une blague.
« Gentille » est sans doute son film le plus réussi à ce titre et le plus précis sur ce que racontent nos vies et nos destins. Emmanuelle Devos, Lambert Wilson, Bruno Todeschini, Michael Lonsdale et Bulle Ogier composent des personnages qui semblent tous sortis trop tôt d’une thérapie de groupe qui aurait dégénéré. Une tournure inédite, joyeuse et rassurante.
L’histoire tient en deux lignes. Un couple et une demande en mariage variablement retardée entre hésitations ou éléments annexes. Les institutions, l’adultère, les convenances, le caca, l’embarras, tout ici est brassé, traité en une ronde de petites saynètes hilarantes. Des situations absurdes, des quiproquos qui peuvent déboucher sur des résolutions, des personnages qui se cherchent avec chacun son propre langage, l’amour comme une proposition, le monde comme un vaste champ d’expérimentation. Rien ne peut être hasard et tout s’explique.
« Gentille » est un film dont on se délecte et qui se savoure comme un petit macaron de chez Hermé, au parfum indéfinissable mais exquis. On navigue entre Lewis Caroll, André Breton et Wes Anderson. C’est grave et léger, mais la gravité finalement n’a sur ces personnages du lest suffisant que jusqu’à la fin du film. Parce qu’à la fin, tout le monde s’envole…