Comment devient-on DJ ? La musique c’est une passion, un déclic et beaucoup, beaucoup de travail, car ce sont des heures passées à s’entraîner. Ensuite, il faut se lancer, un véritable défi ! Florian est un de ces passionnés qui a réussi à force de travail et de persévérance, mais aussi avec une bonne dose d’optimisme et de confiance en soi, à transformer cette passion en profession. Il a accepté de se livrer avec beaucoup de gentillesse et de disponibilité à Instant City afin de mieux nous faire comprendre comment Florian est devenu Floxyd. Une très belle rencontre avec un homme talentueux et éclectique.
iCity : Quel a été votre tout premier contact avec la musique ?
Mes parents et mon oncle écoutaient beaucoup de musique. A la maison, petit, mes parents écoutaient du jazz et de la variété française. Lorsque nous partions en vacances, mon père aimait faire des playlists que nous écoutions dans la voiture durant le trajet. J’ai toujours eu énormement de musique autour de moi.
iCity : Quand avez-vous eu un déclic pour le mixage ?
J’écoutais ce que je voyais à la télévision : beaucoup de hip-hop et rap. Et puis à l’adolescence, j’ai découvert Radio FG dont les compilations étaient vendues à la FNAC. J’ai tout de suite accroché. A 14 ans, je faisais les playlists quand il y avait une boum. Très vite, c’est devenu une habitude : on s’adressait à moi pour la musique. J’allais sur internet pour télécharger des musiques que je mettais sur le Mp3 que m’avaient offert mes parents, l’un des tous premiers avec une capacité de 256 mégas. C’est mon père qui m’a initié à internet, qui m’a appris à fouiller sur la toile, à télécharger. Entre copains, au collège, on parlait des grands qui sortaient en boite le week-end. Ce n’est qu’à 16 ans que je suis entré dans un club pour la première fois. Je m’en souviens parfaitement : c’était au Red Light à Montparnasse, une boite gigantesque pouvant accueillir près de 2.000 personnes. C’était très impressionnant. La musique était forte et il y avait tous ces gens qui dansaient. Tout de suite, je ne saurais dire pourquoi, j’ai été intéressé par le mix et fasciné par le DJ de la boite. Dans les années 2000, les DJ n’étaient pas encore les stars qu’ils sont aujourd’hui. J’ai eu alors ce « déclic » : je n’avais plus qu’une idée en tête, réussir à mixer, à passer d’un morceau à un autre exactement comme eux. Comme j’étais débrouillard, j’ai téléchargé le premier logiciel gratuit que j’ai réussi à trouver sur internet. On avait des ordinateurs, mais internet était très lent. Il n’y avait pas encore YouTube. J’étais obsédé par cette simple question : « Comment font-ils ? » et je n’ai plus cessé de m’entraîner, par défi.
iCity : Ce fut le départ de votre apprentissage de DJ ?
En effet. Mes parents m’ont offert ma toute première table de mixage mais il s’agissait plus d’un jouet. Je suis très vite arrivé au bout des capacités de la machine et j’ai compris qu’il me faudrait du matériel un peu plus sérieux. Pour cela j’avais besoin d’argent, donc d’un travail. J’en ai trouvé un et avec mon premier salaire, j’ai acheté ma première table de mixage. N’ayant aucune notion encore, j’ai juste pris le premier prix. De retour à la maison, je suis allé dans ma chambre et j’ai tout posé sur mon bureau à la place des cours et tout branché sur ma chaîne Hifi. C’était du bricolage, avec des câbles qui n’étaient pas forcément les bons, les platines n’étaient même pas au même niveau, l’une sur un dictionnaire, l’autre sur une pile de livres. J’ai dévoré le manuel de la platine et de la table de mixage. Je vivais encore chez mes parents. Ca ne les dérangeait pas de m’entendre m’entraîner des heures durant à essayer de caler deux morceaux. Je n’y connaissais rien et n’avais personne autour de moi pour m’apprendre. Pendant quatre à cinq mois, mes mix ont été inaudibles. Quand j’ai commencé, ce que j’entendais dans le casque était plus du raté que de la musique qui s’enchaine correctement. Je voulais que ce bruit-là devienne un enchainement de musique. Ca m’obsédait jour et nuit. Je rentrais vite fait de cours et il fallait que j’allume mes platines pour m’entrainer parfois trois ou quatre heures d’affilée.
iCity : Et vous n’avez pas laissé tomber ?
Non, parce que ça m’intriguait. Je voulais capter le truc. J’allais sur des forums sur internet pour voir ce que les gens disaient. J’ai remarqué que mon matériel était obsolète alors je l’ai revendu. J’ai fait ça des dizaines de fois pour avoir un matériel plus performant. Quand enfin j’y suis arrivé, je suis passé à la deuxième étape : devenir un bon technicien. J’arrivais à mixer dans ma chambre, mais dès que je me retrouvais dans une autre pièce face à du monde, le trac m’envahissait. Mixer devant des personnes qui parlent et font du bruit, c’est autre chose. Je me suis entraîné des heures durant pour essayer de trouver des techniques, arranger mes mix, prendre confiance en moi grâce à ma technique afin d’ôter le trac et d’être plus à l’aise. J’ai affiné ma sélection musicale. Je me suis forcé à sortir de mes repères confortables pour aller explorer des styles musicaux inconnus, ce qui me faisait progresser. Je galérais mais cela me permettait de repousser mes limites et de devenir meilleur. J’ai pris de l’assurance et j’ai mixé en public au bal de fin d’année du lycée, ma toute première soirée avec une scène et un public. J’avais 18 ans et du matériel à peu près potable. J’étais au lycée. C’était ma passion. Jusqu’au moment où j’ai été payé.
iCity : Avez-vous immédiatement décidé d’en faire votre métier ?
Non. Mes parents m’ont mis la pression pour que je passe le baccalauréat et que j’aie un diplôme de fin d’études. J’ai donc passé une licence de mathématiques à la faculté de Jussieu suivi d’un master d’école de commerce en événementiel. C’était plus rassurant pour eux. Tout en menant mes études, j’ai continué à mixer dans des soirées. J’ai énormement participé à la vie étudiante de ma fac qui, entre autres, organisait des soirées. J’ai donc cumulé deux fonctions : organisation et mixage. J’ai saisi cette opportunité pour me renseigner et sortir dans des soirées spécialisées au cours desquelles j’ai rencontré des patrons de clubs et des labels, ce qui m’a permis de commencer à créer mon réseau.
iCity : Et vous avez commencé à composer vos propres morceaux ?
Oui, la troisième étape a été de passer à la production. Ma production s’affine avec le temps et l’expérience, ce qui me permet d’avoir des sets tres personnels et originaux avec mes propres remix. J’ai des productions signées sur des labels. Floxyd a signé son second EP intitulé « Wildente » chez Jean Yann Records. Je fais partie de collectifs très actifs sur Paris.
iCity : Etape suivante, vous passez au booking ?
Ce fut, là encore, une nouvelle étape. Après le mixage, l’organisation de soirées, est venu le booking. En mixant dans des clubs ou en organisant des soirées, j’ai rencontré du monde, je me suis fait connaître. On me téléphonait pour me proposer un set. Si je n’étais pas disponible, je proposais un copain, puis le copain d’un copain ou un DJ que j’avais croisé une fois, puis je suis allé directement à la « chasse au DJ » pour me faire un carnet de contacts. Je travaille donc pour des agences de booking qui recrutent des DJ et les proposent à leurs clients. Je recrute, je gère les emplois du temps, je fais les plannings. Finalement, je me rends compte que cette constante évolution m’a permis de ne jamais m’ennuyer ni me lasser de ce métier. J’aime tout ce qui gravite autour du métier de DJ. J’ai eu la chance de faire toutes ces rencontres et de pouvoir, grâce à mon travail, prouver ma valeur pour décrocher de nouvelles opportunités. En variant les activités, j’ai pu constamment évoluer : d’abord les anniversaires, les boums, le bal du lycée, les soirées étudiantes, les clubs, les festivals puis la production, le booking… Je ne suis jamais tombé dans la routine. Je trouve ce métier créatif et j’aime ça.
iCity : Comment concilier ce métier et la vie privée ?
Je suis rarement aux 35 heures, alors la difficulté est en effet de trouver le bon compromis entre travail et vie privée car c’est un métier qui peut très vite devenir envahissant. Il y a en tout premier lieu le matériel : avoir dans son appartement des tables de mixage, platines, vinyles, et tout le reste, ça demande beaucoup de compromis. J’ai de la chance avec ma copine. Elle me motive et m’encourage dans mes projets. Elle est tres compréhensive.
iCity : Quels sont vos projets ?
J’ai monté une start-up : Soondy. Le projet a collecté 10.000 euros sur internet atteignant 100 % de son objectif avec 162 contributeurs. Le slogan, c’est : « Offrez-vous un vrai DJ on line ». Après la version Bêta, le lancement est prévu en mars 2016 en France, puis si ça fonctionne en Europe et aux Etats-Unis. L’argent a servi à créer un site professionnel, un logiciel, à payer les taxes. Il faudrait encore plus de fonds pour une application tablettes et smartphones (25.000 euros). Je donne aussi des cours à l’Ecole DJ Network à Paris (l’article que nous lui avions consacré en décembre 2015, c’est ici). Je me pose sans cesse des questions : est-ce que je suis bon ? Comment fait tel ou tel DJ ? Pourrai-je faire ce métier longtemps ? Mais par contre, je n’ai jamais peur. Je sais que si ça devait s’arrêter, je rebondirais et je ferais autre chose sans problème. Je n’en ai pas envie, bien-sûr. Ce que j’essaie de dire c’est que lorsqu’on me propose un nouveau challenge, je dis toujours « oui ». Je me dis que j’ai tout à y gagner. Au pire, j’aurai perdu du temps. Au mieux, j’aurai vécu une nouvelle expérience. J’ai cette philosophie de vie. Je fonce, et puis on verra. Il y a toujours une solution à tout problème.
iCity : Le Graal pour un DJ, qu’est-ce que c’est ?
C’est d’avoir un vrai public qui me suis et être reconnu dans mon style de musique. Devenir une référence dans le lieu, ça serait top et peut-être un exemple… (rires). Le but ultime c’est surtout de sortir LE morceau qui va faire le tour de la planète !
iCity : Quels sont vos goûts musicaux et vos références ?
J’écoute de tout avec plaisir mais je joue principalement de la tech house et de la techno (musique que je produis). En voiture, j’écoute du hip hop, de la variété et de la musique pointue, en fonction de mes humeurs. Le hip hop pour la technique : eskei83, Q-Bert, DJ Mehdi. Tous les grands DJ qui on percé sont des modèles pour moi en fait : Laidback Luke, Laurent Garnier, Carl Cox. Ils ont chacun un truc. Le top serait de rassembler toutes leurs qualités en une seule personne, moi de préférence… mais c’est compliqué… (rires).
iCity : A quoi ressemble la journée de Floxyd ?
En semaine, je suis formateur chez DJ Network : au programme, de la technique de mix, de la MAO, de la programmation musicale et de la communication. A la fin de ma journée, je rentre travailler sur mes projets personnels : mix, podcast, booking et prod. J’ai des loisirs également comme l’escalade et le VTT. Le week-end, je m’occupe comme tout le monde et je vais mixer le soir.
iCity : Est-il facile de vivre de son métier aujourd’hui quand on est DJ ?
Il faut savoir être polyvalent : je mixe, j’organise des soirées, je me produis en tant que guest pour jouer mes sons, je fais de l’événementiel et du management. Je vis de ma passion.
iCity : Est-ce qu’un DJ va en boite pour danser ?
Avec des amis pour des occasions spéciales, oui, ou lorsqu’un grand DJ passe dans un club généraliste. Quand je vais en soirée avec des amis, je danse, mais mon oreille va tendre vers la musique et je vais être plus concentré sur la musique qui passe. Déformation professionnelle. Je danse un peu derrière les platines quand il y a beaucoup d’énergie, je bouge disons. Comme je mixe en soirées dans des clubs, forcément je n’y retournerai pas pour m’amuser car les clubs sont devenus davantage des lieux de travail et de rendez-vous pour moi. Je suis plus à l’aise derrière les platines que sur une piste de danse et si le DJ est bon je préfère l’écouter que de danser. Quand j’écoute de la musique je suis dans une phase de recherche musicale.
iCity : Qu’est-ce qui vous émeut et vous touche chez un DJ ?
Quand je vais dans un festival et que je vois un DJ qui vit la musique, ça me touche beaucoup : il passe sa propre musique, il a les yeux fermés, il plane à 400.000 mètres et il y a une alchimie qui se fait avec le public. Tout le monde saute en l’air, lève les mains, ça fait chaud au coeur. Créer sa propre musique et se rendre compte qu’elle a un impact sur les gens, c’est prenant ! L’idéal serait de faire vibrer les gens du monde entier sur ma musique avec un tube planétaire. J’y travaille, j’y travaille dur.
Vous pouvez retrouver Floxyd en Replay sur M6 dans l’émission “Kid et Toi” du 10 février 2016, lors d’un reportage sur le métier de DJ, interviewé par un reporter en herbe :
Et dans un reportage de l’émission « Cultures Urbaines » sur France 3 :
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