« La photographie sort un instant du temps et, arrêtant la vie, la transforme. » (Dorothea Lange)
Daniel Angeli est un photographe élégant, timide et énigmatique. Ses héros sont des reines et des stars, des milliardaires repus, des génies déchaînés, parfois enchaînés à des créatures de rêve qu’ils délaisseront bientôt. Cela se passe dans la douceur des années soixante et de toutes celles qui suivent, quand rien n’était grisâtre ni compliqué. Les personnages de Daniel Angeli bavardent, dorment dans des palaces, assistent à des soirées scintillantes, se baignent nus, skient l’hiver, s’aiment et se quittent en silence. Des larmes coulent, des éclats de rire éclatent au soleil. Il y a dans tout cela une langueur, une musique. Cela parle du bonheur, de l’amitié, de l’échec, des espoirs déçus, des amours qui ne durent pas, qui ne peuvent pas durer. Angeli photographie comme d’autres peignent ou écrivent des nouvelles qui racontent la vie, la joie et la tristesse. Il est là tout près, prompt à saisir les instants, tournoyant humblement autour de ses héros, présent et invisible, jusqu’à ce qu’il se fonde dans le décor au point de fraterniser avec eux.
« J’ai toujours été un timide. Mon téléobjectif me servait à rester le plus loin possible des gens. Ce sont eux qui ont fini par venir vers moi. » (Daniel Angeli)
Il ne les voit jamais, se contente de les caresser avec l’œil de son objectif… Des disputes éclatent, des baisers s’échangent, une star baille au soleil, un acteur montre ses fesses. A Saint-Tropez, à Gstaad, Saint-Jean-Cap-Ferrat, Londres, Paris, Cannes, Saint-Moritz, il n’y a pas que les acteurs pour faire semblant de jouer à la Dolce Vita. Karajan et Chostakovitch, les musiciens, Picasso, Dali, Balthus, les peintres, Giscard d’Estaing, nouveau président de la république, Onassis, Agnelli, Marcel Dassault, les milliardaires, Juan Carlos d’Espagne, le Prince Charles, Caroline de Monaco, rivalisent avec Romy Schneider, Brigitte Bardot, Alain Delon, Belmondo, Marlon Brando, Nicholson, Charlie Chaplin quelques heures avant sa mort. John Lennon, Mick Jagger, Hallyday, Sardou, Gainsbourg, Greco, fraient avec le grand Hitchcock ou l’immense Piaf qui, un jour ou l’autre, décident de se donner en spectacle pour ce photographe inclassable qui les a émus ou séduits.
Au bout du compte, Daniel Angeli est un chasseur qui aura presque toujours fini par faire des rendez-vous photos avec les stars qu’il avait longuement traquées. Ce livre raconte un monde, une vie aujourd’hui envolée, qui coule en douceur sur un peu plus de trente années. C’est un livre d’histoires, grandes ou petites. Ces vies privées défilent sous nos yeux attendris, amusés, parfois émerveillés ou choqués. Quelques instants grappillés trouvent aussi leur place, rappelant qu’Angeli le timide pouvait être aussi de la trempe des paparazzis.
© Bernard Pascuito (Texte extrait de la préface de « Vies Privées » publié en 2015 chez Gründ)
Avec « Vies Privées », nous n’avons pas affaire à un simple livre de photos, mais à la rencontre entre les photos de Daniel Angeli et les textes de Bernard Pascuito. Lorsque les deux amis de toujours se sont lancés dans ce pari fou que de sélectionner parmi les 5000 clichés disponibles ceux qui figureraient dans le livre, leur choix s’est porté sur les photos qui, en plus de leur force intrinsèque, allaient se rapporter à une histoire ou un souvenir. Et nul doute que Daniel Angeli a encore beaucoup d’histoires à nous raconter…