Une confrontation étonnante au Musée de l’Orangerie, entre les artistes dadaïstes qui dès la guerre de 14 rejettent les valeurs traditionnelles et d’autre part les oeuvres africaines, amérindiennes et asiatiques.
L’exposition « Dada Africa » nous fait ainsi voyager du monde de Tristan Tzara et Francis Picabia à celui des masques et des statues d’Afrique ou du Japon.
Zurich, 1916. Le mouvement artistique le plus rugissant du 20ème siècle vient de naître : Dada. Sur la scène du célèbre Cabaret Voltaire, en réaction à la grande boucherie de la première guerre mondiale, des artistes vont faire voler en éclats toutes les règles de l’art moderne, avant de faire tache d’huile à Berlin, Paris et même New York. Pour bousculer les vieilles valeurs bourgeoises européennes, ils décident de puiser à de nouvelles sources extra-occidentales, et c’est ce que nous raconte la très belle exposition au Musée de l’Orangerie à Paris.
« Les Dadaïstes vont créer ensemble un mouvement artistique qui va être fondé à la fois sur la poésie, la danse, le chant ou la pratique plastique. Un brassage des arts qui fera la richesse de ce mouvement Dada et qui constituera un grand vent de liberté soufflant sur la création de l’époque. » (Cécile Girardeau, Conservatrice au Musée de l’Orangerie)
Explication de ce grand métissage Dada en trois exemples… En commençant comme il se doit en 1916 avec l’artiste et collectionneur roumain Tristan Tzara.
« Tristan Tzara adoptera une véritable démarche de chercheur, écumant les bibliothèques pour retrouver des revues d’ethnographie et des sources de récits à la fois africains, mais aussi océaniens, ou encore pour retranscrire de la poésie Maori. » (Cécile Girardeau)
Deuxième exemple avec l’artiste plasticienne berlinoise Hannah Höch, l’une des pionnières de la technique du photo-montage au milieu des années 20.
« Hannah Höch va s’intéresser particulièrement à l’aspect plus féministe des choses, en découpant dans des magazines de mode féminins des parties du corps de la femme, comme des jambes portant jupe et talons, qu’elle va adjoindre à de nombreux autres éléments complètement hétéroclites, tels que masque africain, buste égyptien ou tête à moustache. » (Cécile Girardeau)
Figure hybride, chargée d’un message politique fort, Hannah Höch démonte les stéréotypes, quels qu’ils soient, du racisme au machisme, en passant par le poids de la société sur l’individu, et définit ce que doit être cet individu au sein de cette société. La leçon des Dadas, c’est que l’on peut tout être…
Troisième exemple avec les costumes de la plasticienne et danseuse suisse Sophie Taeuber-Arp créés en 1922.
« Sophie Taeuber-Arp était passionnée par ce que l’on nomme les arts appliqués, qu’elle considérait comme des arts sans hiérarchie, contrairement au sytème des Beaux-Arts traditionnels. Le mouvement Dada a d’ailleurs beaucoup oeuvré à décloisonner ces « Beaux-Arts » » (Cécile Girardeau)
Sophie Taeuber-Arp est donc allée fouiller du côté des traditions amérindiennes. On retrouve dans son travail une fascination pour une tribu bien particulière, les Hopis et ses objets rituels prénommés les poupées Kachinas. Ce sont des objets de petite taille et très colorés. La plasticienne s’inspirera ainsi des motifs de ces poupées pour réaliser des dessins et des costumes. Passionnée par la mise en scène du corps, Sophie Taeuber-Arp se produira régulièrement sur la scène du Cabaret Voltaire.
« Dada ose tout, Dada renverse tout », à la fois pour rechercher d’autres sources d’inspiration que les hiérarchies occidentales traditionnelles, pour se libérer, pour se révolter, mais aussi pour retrouver ce qu’est vraiment l’homme.
A découvrir au Musée de l’Orangerie jusqu’au 19 février 2018.