Projet de ville nomade, Instant City marque l’aboutissement d’une démarche d’aporie architecturale initiée par le collectif anglais Archigram avec « Plug-in-City » en 1964. L’architecture disparaît, laissant place à l’image, l’événement, l’audiovisuel, ainsi qu’aux gadgets et autres simulateurs environnementaux.
Instant City développe l’idée d’une « métropole itinérante », un package qui s’infiltre provisoirement au sein d’une communauté. Cette ville superpose, « le temps d’un instant », de nouveaux espaces de communication à une ville existante : un environnement audiovisuel (des mots et des images projetés sur des écrans suspendus) s’associe à des objets mobiles (ballons dirigeables avec des tentes suspendues, capsules, mobile-homes) ainsi qu’à des objets technologiques (grues à portique, raffineries, robots), pour créer une ville de consommation d’informations, destinée à une population en mouvement.
Première étape d’un réseau d’information, d’éducation, de loisirs et d’équipements, Instant City est raccordée (« Plugged-In ») aux secteurs périphériques entourant une métropole par une flotte de véhicules tout-terrain et d’hélicoptères. Ainsi, la communauté locale est intégrée dans la communauté métropolitaine. Cette idée d’infiltration vise alors à être complémentaire, plutôt qu’étrangère, aux communautés qui sont visitées. Par la suite, les véhicules seront transformés en dirigeables.
Instant City est une ville instantanée qui s’installe sur un site, crée un événement pour ensuite disparaître, signifiant ainsi que l’architecture peut ne pas être uniquement que construction et n’être à l’inverse qu’événement, en tant qu’action dans le temps présent.
Mais Instant City est aussi l’une des premières architectures de réseau, 25 ans avant Internet : réseau d’informations, flux, vecteur, rassemblant des fragments urbains dispersés. Elle est un scénario qui, une fois mis en acte, est soumis à une réécriture, celle de tous ses habitants qui vont l’animer. Instant City n’a donc aucune forme fixe, aucun préalable. Elle témoigne d’une représentation impossible, celle d’une ville qui n’a pas d’existence en soi, qui n’est qu’un incident dans le temps et dans l’espace.
Dialectique entre permanent et transitoire, mobile et éphémère, Instant City incarne l’utopie d’une architecture libérée de tout ancrage, d’une ville volante, aérienne, et transforme l’architecture en situation, en environnement réactif. L’architecture s’y offre à la fois comme objet de consommation et création d’un environnement artificiel.
Archigram, association des termes architecture et télégramme, est à l’origine une revue d’architecture avant-gardiste britannique des années 1960. La revue, dont neuf numéros sortiront de 1961 à 1974, est initiée par six architectes, Peter Cook, David Greene, Mike Webb, Ron Herron, Warren Chalk et Dennis Crompton. Leur principale inspiration vient d’un projet de décor de film de Cedric Price, « Fun Palace » (1960-1961).
Le collectif dominera l’architecture radicale des décennies 1960 et 1970. Influencé par les utopies urbaines de la première moitié du XXème siècle, il cherche à renouveler l’architecture et l’urbanisme.
La forte iconographie d’Archigram puise dans la science-fiction et la BD, ouvrant ainsi l’architecture et les concepts environnementaux à la culture pop naissante.
Il y a cinquante ans, Archigram et leur concept architectural « Instant City » reposant sur la mobilité et la « déterritorialisation », en réaction à la société de consommation naissante et à la modification profonde des modes de vie, préfigurait de façon étonnante ce que serait la société d’aujourd’hui, fondée sur l’itinérance, l’image, l’audiovisuel et la technologie.
La nouvelle Instant City se veut ainsi la suite logique du concept originel, en s’adaptant aux exigences et évolutions de la société actuelle, en particulier technologiques. Internet, smartphones ou tablettes permettent mobilité et accessibilité. Aujourd’hui, on peut mener à bien un projet en collaboration avec quelqu’un vivant à l’autre bout du monde.
01. Instant City, Before IC, a Sleeping Town, 1969 – Airship Sequence of Effect on an English Town
Dessin encre sur calque 32.2 x 46 cm (998 01 72) © Philippe Magnon
02. Instant City, Descent, 1969 – Airship Sequence of Effect on an English Town
Dessin encre sur calque 32.2 x 46 cm (998 02 72) © Philippe Magnon
03. Instant City, Event, 1969 – Airship Sequence of Effect on an English Town
Dessin encre sur calque 32.2 x 46 cm (998 03 72) © Philippe Magnon
04. Instant City, Highest Intensity, 1969 – Airship Sequence of Effect on an English Town
Dessin encre sur calque 32.2 x 46 cm (998 04 72) © Philippe Magnon
05. Instant City, Infiltration, 1969 – Airship Sequence of Effect on an English Town
Dessin encre sur calque 32.2 x 46 cm (998 05 72) © Philippe Magnon
06. Instant City, Network, Takes Over, 1969 – Airship Sequence of Effect on an English Town
Dessin encre sur calque 32.2 x 46 cm (998 06 72) © Philippe Magnon
07. Dirigeable Instant City M3, 1969
Dessin Photomontage 55.5 x 85 cm (998 01 74) © Philippe Magnon
08. Airship « Zeppelin » Model, 1969
Installation plastique, tissu synthétique, métal, peinture & papier 60 x 190 x 60 cm (998 01 68) © Philippe Magnon
09. Instant City Visits Bournemouth, 1968
Dessin Photomontage 23 x 34.5 cm (998 01 71) © Philippe Magnon
10. Instant City in a Field Long Elevation Part 1, 1969
Sérigraphie encre sur papier 56.5 x 220 cm (998 01 69) © Philippe Magnon
11. Instant City in a Field Long Elevation Part 2, 1969
Sérigraphie encre sur papier 56.5 x 220 cm (998 01 69) © Philippe Magnon
12. Instant City Rupert IC 2, 1969
Dessin encre sur calque 45.5 x 57 cm (998 01 73) © Philippe Magnon
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