Cette année, le Théâtre Mogador fête ses cent ans. Inspiré du Palladium de Londres, c’est une des plus grandes salles de spectacle de Paris, qui accueillit les revues de Mistinguett dans les années 30, puis le théâtre de Jérôme Savary, avant de devenir le temple de la comédie musicale à la Française dans les années 90. Aujourd’hui, Mogador héberge un spectacle de Broadway en version française, « Chicago ».
Le Théâtre Mogador, c’est cent ans de spectacle, et surtout cent ans de spectacles musicaux, de Mistinguett à Annie Cordy, de « Starmania » à « Chicago ». Une salle monumentale où les grandes comédies musicales de Broadway ou du West-End de Londres font aujourd’hui escale à Paris. Pas étonnant puisqu’on doit son existence à un producteur londonien, formé par l’inventeur du music-hall en personne, Charles Morton.
« La création du Théâtre Mogador naît d’une belle histoire. Une histoire d’amour… Un impresario anglais, Sir Alfred Butt, décida de bâtir et d’offrir ce théâtre à son amoureuse, une danseuse française, Régine Fleury, qu’il découvrit lors d’un spectacle. Il lui fit donc cadeau de ce théâtre à l’Anglaise, constitué d’un seul bloc, sans poteau, ce qui vous permet de bien voir la scène, quelle que soit la place que vous occupez. » (Laurent Bentata, Directeur de Mogador)
Pour concevoir Mogador, Sir Alfred Butt s’inspira d’un des théâtres dont il était propriétaire à Londres, le Palladium. Le premier nom du Mogador était le Palace Théâtre. Il est inauguré en 1919, avec une revue menée par la danseuse et maîtresse de l’homme d’affaires anglais. Un fiasco… Il finit par délaisser son amoureuse. Constatant que Butt avait pris ses distances suite à l’échec du lancement de son théâtre, elle en fit de même, de façon certes plus radicale, en se donnant la mort.
Cette fin tragique n’a cependant pas porté malheur au théâtre parisien… A la tête du Théâtre Mogador à partir de 1925, les frères Isola vont marquer l’esprit du lieu. Prestidigitateurs, déjà propriétaires de l’Olympia et des Folies-Bergère à Paris, Emile et Vincent Isola vont imposer durablement le genre de l’opérette.
« Les frères Isola ont toujours voulu investir et ils pariaient surtout sur de gros spectacles, avec toujours le souci d’en donner au spectateur pour son argent. les shows démesurément couteux qu’ils produisaient l’étaient souvent à fonds perdus, du fait du nombre d’artistes sur scène, des costumes et des décors somptueux. Mais c’est probablement ce qui a permis de faire connaître Mogador. » (Laurent Bentata)
Tandis qu’au Moulin-Rouge, les revues étaient constituées de tableaux successifs sans véritable fil rouge, à Mogador, sous la direction des frères Isola, on assistait à de vrais spectacles, avec intrigues et rebondissements. Certaines pièces sont importées des Etats-Unis, telles que « No No Nanette », un classique qui sera repris plusieurs fois à Mogador entre 1926 et 1966.
Henri Varna va perpétuer l’héritage des frères Isola en prenant la direction du Théâtre Mogador entre 1940 et 1969. Sous sa houlette, Marcel Merkès et Paulette Merval forment le couple numéro un de l’opérette à partir de 1947, avec notamment « Rêve de Valse ». Après lui, le théâtre se cherche un second souffle. On peut y croiser Annie Cordy en « Hello Dolly » en 1972.
C’est ainsi que Mogador commence à accueillir d’autres types d’événements artistiques au début des années 80, entre les concerts des Clash ou d’Higelin en 1981, jusqu’aux spectacles de Jérôme Savary. Le metteur en scène élira ainsi domicile à Mogador avec son « Cyrano de Bergerac » en 1983. Une grande dame est aussi passée par ici… Barbara. La chanteuse y fit d’ailleurs ses débuts comme choriste à 17 ans, dans la pièce « Violettes Impériales » de Vincent Scotto. Elle revient à Mogador en 1990, pour trois mois de concerts. Mogador était le théâtre de Barbara, et c’est grâce à elle qu’il fut classé monument historique.
Avec les années 90, c’est le retour aux sources pour le Théâtre Mogador, qui devient le repère parisien de la comédie musicale, entre « La Légende de Jimmy », « Les Misérables », « Cabaret », « Starmania » ou encore « Notre-Dame de Paris », avec un modèle de spectacle adapté spécifiquement aux goûts du public français, alliant des numéros musicaux et des tubes qui s’enchaînent.
En 2007, la version française du succès mondial « Le Roi Lion » est présentée pour la première fois au Théâtre Mogador, ouvrant la voie à d’autres mastodontes tels que « Mamma Mia! », « Sister Act », « Grease » ou encore le légendaire « Cats » de Broadway. Un autre nom de comédie musicale emblématique s’étale aujourd’hui en grosses lettres au fronton du Théâtre Mogador, « Chicago, le Musical ».
« Chicago a véritablement révolutionné Broadway. Ça n’est pas pour rien que ce spectacle est un record absolu de longévité. A l’époque où il fut créé, en 1975, le chorégraphe américain Bob Fosse jouissait déjà d’une énorme réputation, pour avoir mis en scène certains des plus grands succès de la comédie musicale. » (Laurent Bentata)
✓ « Chicago, le Musical », mis en scène de Ann Reinking et Véronique Bandelier, jusqu’au 30 juin au Théâtre Mogador.