J’ai découvert Prince en 1983 avec son album « Purple Rain ». Un choc…
Adolescent à cette période et tiraillé par des choix cornéliens, hésitant entre le spleen de la New Wave et devenir curiste, ou suivre cet étrange lutin androgyne habillé comme Elvis Presley période Las Vegas, jaillissant sur une grosse cylindrée et se déhanchant en bottines à talons aiguilles. Prince et ses allures improbables, son univers mêlant kitch et premier degré, a fait jaillir d’une autre dimension des chansons hallucinantes, hallucinées. Des mélodies aux arrangements sophistiqués, baroques et funky, des volutes enveloppantes érotisant chacune des sonorités venant lécher nos oreilles.
Durant toutes ces années 80 et une bonne partie des années 90, il nous aura gratifié d’un concentré de chefs d’œuvre, à raison d’un album par an. Des tubes en rafale tels les balles d’un fusil mitrailleur, nous atteignant dans la tête, dans le cœur, dans les jambes, dans les bras. Criblés, nous dansions jusqu’au matin, pantins possédés par ces airs fous, puissants, sexuels, lascifs, grisants, abolissant toute notion de temps.
Prince était unique, aussi petit que géant, un prince devenu roi.
Musicien complet, génial, aux concerts, qui pour tous ceux ayant eu la chance d’y avoir assisté, étaient des moments uniques, inoubliables. Ce stakhanoviste de la musique, cette réincarnation mégalomane de Mozart à défaut d’un Bach, s’était certes peut-être un peu dilué dans les années 2000 avec des doubles, triples ou quadruples albums concept quelque peu bourratifs.
Mais ce que Prince, ou Love Symbol, laisse aujourd’hui, avec dans son sillage, Wendy, Lisa, The Revolution, The New Power Generation et tous les autres qui ont contribué à son œuvre, est gigantesque. Une oeuvre tant puissante que frêle, rare, précieuse, comme une eau vive qui circule toujours autour de nous.
Une eau, une pluie pourpre et maintenant des larmes. Il fait froid.
Parfois il neige aussi en avril…
Hubert Touzot : Photographe dévoreur d’images