Dans ma série de billets d’humeur devenue culte, « Hubert a des p*bip*ains de problèmes dans la vie », je souhaitais aborder aujourd’hui le cas du port de casque audio dans la rue. Vous savez, cet imposant serre-tête à pompons que n’importe qui se doit désormais d’arborer, comme si c’était super cool, et qui au mieux donne à celui qui le porte une vague ressemblance avec un gars des pistes de porte avions ou alors au pire, une sorte de protège-oreilles pour personne hyper frileuse des conduits auditifs.
C’est à dire que si vous n’êtes pas un DJ qui était juste sorti entre deux sets pour remettre des pièces dans l’horodateur, l’utilité intrinsèque de cet objet dans la rue ou dans les champs n’a objectivement pas lieu d’être.
… Et là on me rétorque immédiatement, entre un « rétrograde », un « réac » ou encore un « facho de la coolitude », que nous traversons une époque où le ridicule ne tue plus personne et que, par conséquent, à l’instar des modes et de leurs conséquences sur les effets de masse, avec comme principe « si je saute par la fenêtre, etc… », on peut ainsi sans questionnement aucun imiter une allure empruntée à un look 80’s de ces premiers rappeurs qui s’étaient créé une attitude « street, musicos, pointue et amateur de bons sons ». Pourquoi pas… Il y a quelques semaines, j’évoquais d’ailleurs ici un cas similaire de mimétisme avec le port de la barbe à outrance.
C’est donc de manière virale, incontrôlable, mais dictée par un inconscient apathique et spongieux que le phénomène s’est installé durablement, ou juste le temps nécessaire pour que des communicants zélés puissent parvenir à essayer de nous faire croire que l’objet en question, en plus d’être parfaitement encombrant, fragile et doué d’une durée de vie toute relative, est tout bonnement indispensable pour écouter La Musique que l’on aime, qui le plus souvent pourtant nous est proposée en format compressé Mp3. Avec ou sans fil, en couleur, parrainé par tel DJ ou rappeur du moment, une majorité silencieuse défile ainsi, écoutant ses playlists favorites.
Vous vous arrêtez donc deux minutes et vous interrogez sur la tournure que prend ce micro-événement, ce phénomène insignifiant face à tant de problématiques autrement plus préoccupantes… Mais pourtant, comme un effet papillon, tout fait sens et finit par se rejoindre. Que dit en substance ce que nous constatons à chaque vision de ces gens que nous croisons si curieusement couronnés ? « Moi, dans la rue, on ne Me parle pas, on ne M’aborde pas, on Me fout la paix parce que j’écoute Ma Musique, Mon Son ». Ou encore une variante à cette sentence : « Même si Je suis dans la rue, ailleurs, Je fais comme si J’étais chez Moi et je ne change pas Mes habitudes et Mes plaisirs ».
Il y aurait d’ailleurs aussi beaucoup à dire sur la façon de se mouvoir au milieu des autres, d’évoluer dans le décor anonyme, où l’on se rend compte que tout va de concert avec la manière de se comporter vis à vis d’un autre, comme nous.
Muré, entouré par cette barrière auditive et hostile, l’Homo-Erectus, qu’il soit mâle ou femelle, dans l’avant-dernière étape de son évolution ou plutôt de son isolation, souhaite pourtant communiquer avec la terre entière, les oreilles saturées et les yeux plongés dans le bain luminescent de l’écran de sa tablette ou de son téléphone devenu, semblerait-il, la seule source fiable du pourquoi du comment. Ecouter et voir le monde, certes, mais surtout pas si c’est à moins d’un mètre. Quand à l’ultime étape, le stade final, un devenir plausible pour le bipède, ce sont ses pouces qui semblent avoir remplacé ce que l’on appelait jadis le cerveau…
Ainsi, pour revenir et finir sur le sujet premier de ce billet, lorsque les communicants et autres refourgueurs de choses inutiles auront tari leurs stocks de cache-oreilles, ils proposeront le mieux du mieux, la solution ultime : La Boite En Carton sur la tête avec laquelle vous pourrez choisir vos ambiances, reproduire votre chambre à coucher, votre salon ou pourquoi pas, le confort absolu d’une forme recroquevillée dans l’utérus de votre maman.
Mais vous n’êtes pas obligés de me croire…
Hubert Touzot : Photographe dévoreur d’images
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